dimanche 29 décembre 2013

Arrive un vagabond de Robert Goolrick


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C’est au cours de l’été 1948 que Charlie Beale arriva à Brownsburg. Il était chargé de deux valises – l’une contenait quelques affaires et des couteaux de boucher, l’autre une importante somme d’argent. Charlie y tomba deux fois amoureux. D’abord, il s’éprit de cette ville paisible de Virginie dont les habitants semblaient vivre dignement, dans la crainte supportable d’un Dieu qu’ils avaient toutes les raisons de trouver plutôt bienveillant à leur égard. Une preuve parmi d’autres : il n’y avait encore jamais eu de crime à Brownsburg. La deuxième fois que Charlie tomba amoureux fut le jour où il rencontra la belle Sylvan Glass...

Les toutes premières pages du roman laissent présager un drame. Tout ou presque porte à croire que la tragédie n'est pas loin et qu'à Browsburg, petite bourgade de l'état de Virginie, l'arrivée d'un vagabond constitue les prémices de grands bouleversements.
Rien que le titre, Arrive un vagabond, trois simples petits mots, sonne comme un sésame et nous fait entrer dans un récit aux allures de conte mythologique. L'arrivée de Charlie Beale, figure de héros tragique par excellente, par son côté attachant allié à une vraie aura de mystère et de séduction, est celle de tous les possibles et donc peut-être aussi des renversements de valeur.
A peine installé et accueilli par les habitants de Browsburg (qui l'admirent pour ses talents de boucher), Charlie tombe passionnément et éperdument amoureux de Sylvan, une femme mariée. Sylvan est elle aussi, à bien des égards, une figure insaisissable qui semble n'exister qu'à travers ses illusions et ses passions, celle pour Charlie tout d'abord mais aussi celle qu'elle éprouve pour le cinéma et le glamour hollywoodien. Sylvan est une jeune femme d'origine misérable, achetée par son mari, un puissant notable de la ville dont la richesse n'a d'égale que le dégoût qu'il inspire au lecteur. Charlie se jette à coeur et à corps perdu dans cette liaison adultère. Il a des valeurs, des principes mais contrairement aux habitants du village, il ne craint pas les flammes d'enfer et peine même d'ailleurs à trouver une confession avec laquelle il soit en accord.
Arrive un vagabond est aussi un roman sur l'enfance et l'innocence. Témoin de leur liaison, Sam, le fils du boucher chez lequel Charlie travaille, son ami le plus fidèle, qui l'admire et l'adore, sera garant de leur secret. Sam aime trop Charlie (et inversement) pour le trahir. Malgré son jeune âge et ses frêles épaules, il restera à jamais son ami le plus sûr. Le poids du silence de Sam aura à jamais des résonances dans sa vie d'adulte.
Son regard innocent et acéré rappellent celui des petits héros de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur et de La Nuit du chasseur, deux récits une fois encore très enracinés dans l'imaginaire du Sud des Etats-Unis.
Le roman de Robert Goolrick sent le Sud, indéniablement. Entre ses pages, surgissent la violence amoureuse, la sensualité brutale, la chaleur, les folies et les excès. A cet égard, les excès de dramatisation peuvent déconcerter mais ont, à mon sens, tout à fait leur place dans un récit qui semble beaucoup jouer avec les symboles de l'imaginaire du Sud et du film noir hollywoodien.
Un beau roman, lyrique et habilement construit.

2 commentaires:

  1. Robert Goolrick est un auteur que je suis avec beaucoup d'attention! Il n'est publié en France que depuis quelques années alors qu'il est déjà assez âgé mais je trouve sa plume redoutable. Au fil de chaque livre on devine un esprit torturé avide de destins mouvementés qu'il met violemment en scène. Cela ne peut pas laisser indifférent. Et en effet il décrit très bien la vie du Sud des Etats-Unis. Il écrit bien mieux sur l'Amérique d'après-guerre car son roman se déroulant au 19e siècle était moins bon. Je te conseille vraiment Féroces qui est en partie autobiographie, il offre un panorama percutant d'une famille de Virginie dans les années 50.

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  2. Je note Féroces. Il est à la bibliothèque, je l'emprunterai et essaierai de le lire d'ici le printemps :)
    Je te remercie en tous cas de m'avoir fait découvrir cet auteur. Je suis étonnée qu'il ne soit pas plus connue et célébrée que ça outre Atlantique ...

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