vendredi 3 janvier 2014

Une Demoiselle d'Eleonora Marangoni d'après Irène Némirovsky



Paris, 1927 : les Années folles. Antoinette a 14 ans. Elle n'est plus une gamine, mais elle n'est pas encore une femme. Elle n'a pas encore rencontré l'amour : elle en rêve. Elle ne connaît rien au monde mais a une opinion sur tout. Dans son journal, elle note tout ce qui bouge autour d'elle, tout ce qu'elle ne dit jamais à personne, tout ce que les adultes ne voient pas, ne voient plus. Quand sa mère lui annonce qu'elle veut donner un bal, sa vie semble enfin pouvoir commencer : le monde l'attend et elle se prépare à le conquérir. Mais les choses n'iront pas comme prévu et l'initiation à l'âge adulte se fera par un acte de vengeance terrible, émouvant et désespéré, comme seuls les adolescents peuvent l'être.

J'ai découvert il y a peu ce très beau texte signé Eleonora Marangoni et illustré par Babeth Lafon. Cet ouvrage, sorti au début du mois de décembre, est inspiré du court roman Le Bal d'Irène Némirovsky (que j'adore). Il s'agit en fait d'extraits du journal intime d'Antoinette, l'héroïne, rédigés pendant la période relatée par la romancière. On assiste donc à la préparation du bal et de la réception, à la fameuse scène sur le pont jusqu'au désenchantement ... Le journal est celui d'une adolescente intelligente, amère et solitaire qui est très lucide face au comportement de ses parents dont elle dénonce l'égoïsme et la vanité. Antoinette décrit aussi son quotidien, auprès de ses camarades d'école mais aussi auprès de sa gouvernante anglaise, Betty, rêveuse car amoureuse ... Les pages de ce journal sont pleines de sensibilité. On reconnaît bien l'adolescente fragile et lucide du classique d'Irène Némirovsky, ainsi que le regard acéré qu'elle pose sur le monde bourgeois et étriqué qui l'entoure. Les illustrations de Babeth Lafon (que je ne connaissais pas du tout) sont d'une élégance folle et se marient à merveille à la prose de la jeune Antoinette. Elles mettent très bien en valeur le raffinement des tenues et reflètent la délicatesse et la légèreté (apparente) de cette période. Bref, je vous conseille fortement la découverte de cet ouvrage , surtout si comme moi, vous aimez le court texte dont il est inspiré.

jeudi 2 janvier 2014

Quatre Soeurs, tome 2 : Hortense, une bande dessinée de Cati Baur d'après Malika Ferdjoukh

19540756 Dans ce deuxième tome de la série, il est question d'Hortense, 11 ans, qui passe sa vie dans les livres et se demande se qu'elle va devenir : un personnage de sa série préférée? Chirurgienne de maladies incurables pour venir en aide à sa nouvelle amie Muguette? Ou bien comédienne? Mais pour monter sur scène, Hortense va devoir vaincre sa timidité... C'est dans son journal intime dont elle nous livre des extraits, qu'Hortense s'interroge et partage les hauts et les bas de sa vie d'adolescente.

La tétralogie de Malika Ferdjoukh figure en bonne place parmi mes romans préférés depuis déjà quelques années. J'en relis certains passages quelques fois au gré de mes envies car j'aime de tant à autre retrouver la Vill'Hervé et les cinq sœurs Verdelaine. J'ai toujours pensé qu'une adaptation (en 4 épisodes si possible) à la télévision pourrait être une merveilleuse idée. Mais ça, c'était avant que je me plonge dans les bandes dessinées de Cati Baur ! Depuis, je me dis qu'aucune adaptation en images ne pourra rivaliser avec celle-ci. J'avais déjà été séduite par le tome 1, Enid (sorti en janvier 2011 chez Delcourt) mais j'ai trouvé ce tome 2 encore plus délicieux. Dans ce volet, nous découvrons quelques pages du journal intime de Hortense, l'avant dernière sœur. Elle y raconte son malaise, sa difficulté d'être 1 parmi les 5, une multitude pour elle. Sur sa falaise fouettée par le vent, Hortense se réfugie dans son isolement, jusqu'au moment où elle fait la connaissance de Muguette, une jeune fille d'à peu près son âge, fantasque et énergique malgré sa maladie et qui use de jeux de mots comme personne. Dans ce tome, nous verrons Hortense essayer tant bien que mal de vaincre sa timidité. On la verra répéter pour ses cours de théâtre et même plus tard, endosser le rôle de Hortense (ça ne s'invente pas !), l'héroïne de la pièce de Marivaux, Le Petit Maître corrigé.
Il y a aussi un Petit Maître corrigé dans l'histoire des sœurs Verdelaine et il s'agit de la coquette Bettina. Son personnage de fille futile et superficielle prend de l'épaisseur pour le plus grand plaisir de l'auteur. Lorsque Merlin, l'irrésistible et attachant livreur de Nanouk Surgelés (un de mes personnages préférés de la saga) lui fait savoir qu'elle lui plaît, elle se montre odieuse avec lui. Elle le trouve trop moche et ne veut pas être vue à ses côtés, de peur de perdre la face devant ses amies. Sûre d'elle même, arrogante, Bettina ne se doute pas qu'elle est déjà amoureuse ... L'humiliation risque d'être terrible pour la jeune fille qui devra apprendre à voir au-delà des apparences. J'attendais avec impatience de voir apparaître Merlin entre les pages de cette bande-dessinée. Ce personnage est superbe et je pense que Cati Baur lui a fait honneur ! La scène de danse entre lui et Bettina ou encore celle de la grande roue sont aussi romantiques et déchirantes que je me les imaginais à la lecture du roman.
Tout au long de ces 150 pages et quelques, on ne s'ennuie pas une seconde. L'artiste a su donner un rythme trépidant à sa bande dessinée tout en ménageant des temps de pause qui offrent des scènes contemplatives et même un brin poétiques au récit. Les petits moments du quotidien ont aussi beaucoup à offrir (comme les fameuses conversations à bâtons rompus entre Enid et le gnome de la chasse d'eau, pour ne citer qu'un exemple). La mise en scène de Cati Baur est pleine d'inventivité et de charme. Il y a un vrai travail sur les plans (comme au cinéma !), les couleurs et pleins de petits effets de style ingénieux (comme la bulle qui susurre une mauvaise idée à l'oreille). Le trait est délicat, à la fois vif et harmonieux. C'est un vrai festival pour les yeux.
Une bande dessinée colorée et chaleureuse, idéale pour l'hiver !

Les 2 tomes, Enid et Hortense, ressortent en janvier 2014 chez Rue de Sèvres, la collection BD rattachée à L'Ecole des Loisirs. Le format est plus grand et le rendu des couleurs plus fidèle.

Cher Mr. Darcy d'Amanda Grange

. Amanda Grange nous offre une version épistolaire du classique de Jane Austen : Orgueil et Préjugés. Pemberley et Longbourn sont décrits à travers le point de vue des différents personnages, mais plus particulièrement à travers celui du romantique Mr Darcy. Une série de lettres nous dévoile comment ce dernier surmonte son chagrin après la mort de son père bien-aimé ; comment il va gérer ses affaires le liant au scandaleux Mr Wickham et comment il va tomber amoureux de la spirituelle Elizabeth Bennet.

Amanda Grange est l'auteur d'une série de romans sous forme de journaux intimes consacrés aux héros masculins de Jane Austen. Je ne m'y suis pas vraiment intéressée jusqu'ici mais j'ai eu envie de découvrir son dernier en date, qui se présente cette fois comme une relecture sur le mode épistolaire de Pride & Prejudice.
Je l'ai terminé il y a quelques jours et je dois dire que j'ai beaucoup plus aimé que ce que je prévoyais ! Comme toujours avec les adaptations des classiques de Jane Austen, quelques petites choses par ci par là m'ont gênée. Certains éléments de l'intrigue ne correspondent pas parfaitement à ma vision du roman mais ça reste assez minime. Et bon, je pense que lorsqu'on ouvre ce type de romans de paralittérature, il faut garder l'esprit ouvert ...
Cet ouvrage n'a pas la finesse ni la sensibilité du roman auquel il rend hommage mais il est loin de démériter face au reste de la production. Il reste bien écrit et bien ficelé.
Les lettres de Mary Bennet à son amie Lucy m'ont fait sourire à de nombreuses reprises. Amanda Grange a bien cerné le ridicule de ses propos et de son caractère. La jeune fille se met à lire Les Mystères d'Udolphe sur le conseil de son amie (tout aussi pédante qu'elle) et le voit, non pas comme un roman gothique et de pur divertissement mais comme un ouvrage d'instruction pour jeunes filles !
Dans l'ensemble, les personnalités des personnages sont respectées, j'ai tout particulièrement apprécié les lettres entre Elizabeth et Mrs Gardiner car on sent très bien l'attachement et la complicité qui les lie.
Les lettres que Darcy adresse à ses deux cousins, Philip et le colonel Fitzwilliam, sont pour le moins intéressantes car elles révèlent les pensées d'un personnage qui reste mystérieux et insaisissable aux yeux du lecteur pendant la majeure partie du roman de Jane Austen. La description qu'il fait de son attirance, de son inclination et de son admiration pour Elizabeth est crédible et touchante. Je crois que ces passages font parti de mes préférés parce qu'ils sont romantiques et sensibles. Amanda Grange a selon moi réussi à mettre des mots sur l'émoi amoureux de Darcy, sans dénaturer le personnage.
Donc, pour conclure, je dirais que ce roman épistolaire se lit très agréablement. Le récit est bien agencé et palpitant. Je le conseille volontiers. C'est une des meilleures relectures de Pride & Prejudice que j'ai lues jusqu'ici.

Le roman est disponible en français chez Milady (collection Pemberley) depuis le 6 décembre dernier.